I) - Dans ce très court poème, écrit en vers libres, Véronique Tadjo « salue » toutes les victimes et tous les déshérités de la société moderne et déshumanisée. Victimes et déshérités qui, pour une grande part, sont des immigrés qui se heurtent à la civilisation occidentale fortement urbanisée et industrialisée. Ainsi, pour leur rendre hommage, l’auteur les interpelle avec conviction, en choisissant des vers courts qui donnent un rythme rapide au texte tout en exprimant son engagement en faveur de ces victimes qui ont perdu une part de leur humanité. Cette interpellation est l’occasion, pour l’auteur, de porter un regard critique sur notre société qui engendre cette pauvreté et cette souffrance. La solidarité et la révolte exprimées par l’auteur, avec un certain lyrisme dénonciateur, traduisent cette capacité de la poésie à servir la cause des hommes. Enfin, ce refus d’une forme de civilisation aliénante peut-être comparé à la démarche de Senghor qui, avec le concept de Négritude fait le projet de rendre à la civilisation africaine cette part d’humanité que des siècles d’esclavage ont fini par lui refuser en l’ignorant ou en la niant.

- II) – La première étape du texte, vers 1 à 8, consiste à interpeller tous ceux qui sont victimes de la société moderne, en évoquant leur condition de vie et en soulignant par les termes employés l’atteinte qui est faite à leur intégrité physique ainsi que cette déshumanisation dont ils sont victimes et qui les rabaisse, par certains aspects, au rang de l’animal. Cette interpellation, contenu dans le « vous » initial peut se lire comme une sorte d’appel ou d’éveil à une prise de conscience de cette insupportable et inacceptable condition.
Dans un second temps, l’auteur poursuit son interpellation par une suite de questions rhétoriques qui exprime des accusations à l’égard de la société. La paronomase du vers 10, « monde immonde » traduit par ses sonorités sourdes la colère du poète rejettant cette société de souffrance