retenait sa respiration, caché derrière la benne à ordures. Les bruits de pas s’éloignaient. Les hommes en noir étaient partis. Il se leva péniblement. C’était un homme de soixante-six ans, toujours robuste malgré la vieillesse qui s’emparait peu à peu de son corps bâti comme un rocher. Il était grand, on disait de lui qu’il avait été beau et ses cheveux blancs coupés très court lui donnaient l’air d’un militaire à la retraite. En réalité, il n’avait connu que la rigueur des mathématiques pendant toute sa carrière –exactement trente-cinq ans onze mois et huit jours- dans un des collèges de la ville. Il ne faisait pas son âge même s’il appréciait, entre deux joggings, le fauteuil relax offert par ses collègues. Ce matin, il avait été réveillé par des coups violents que l’on donnait sur sa porte. Il s’habilla en vitesse et ouvrit. C’était un homme assez petit, à moitié chauve bien qu’il eût tout au plus une trentaine d’années. Il était entouré de deux brutes patibulaires. Les trois inconnus étaient entièrement habillés de noir, d’un costume trois-pièces. M V… demanda : « Qui êtes-vous ?». Pour toute réponse, le petit homme murmura : « Chopez-le ». Les deux gaillards se jetèrent sur lui. Ils avaient un air… mort. Ils ne semblaient ressentir aucune émotion en frappant V… dans l’estomac. Ils le bâillonnèrent avec une dextérité due à l’habitude : il ne pouvait pas crier. Il fut poussé, plus que conduit, à une voiture noire, également. Elle s’arrêta à la limite de la ville. Un groupe de personnes attendait là, entourées d’hommes en noir équipés de matraques. En se rapprochant, V… vit ce détail : tous les prisonniers avaient au moins soixante ans. Que des vieux. Peu portaient autre chose qu’un pyjama ou une chemise de nuit, quelques-un étaient même complètement nus, ils avaient été pris durant leur sommeil. Il y avait bien une centaine de personnes bâillonnées, ici, le long de la route. V… fut poussé et rejoignit le tas de prisonniers livides et grelottant