I /L’ affaire : apparition d’une nation divisée.

I )Une division politique .

A° L’Antisémitisme.

Une approche historique de l’antisémitisme devrait permettre de mieux comprendre ce phénomène dans l’Affaire Dreyfus . Dans toute l'histoire de la chrétienté et jusqu'au XX siècle non compris, le sentiment antijuif , les persécutions et discriminations furent le fait de l’antijudaïsme chrétien. Cet antijudaïsme doit être distingué de l’antisémitisme moderne, contemporain du nationalisme qui progresse avec la crise des États-nations. Il apparaît que le développement de l'Europe, déjà tributaire de la culture juive et de la religion, fut tributaire de la puissance financière des Juifs les plus riches ; mais cette puissance s'accompagne d'une grande réticence à s'engager dans les événements du monde, contrairement à ce que diront les antisémites par la suite, avec la théorie du complot juif. Outre le rôle financier des Juifs dans l'Europe moderne, il faut remarquer que du fait de leur présence dans tous les pays d'Europe, les Juifs furent une communauté internationale, par opposition à la montée en puissance de l'isolement nationaliste des autres peuples. Mais ce caractère international fut interprété également dans le sens d'un complot, alors qu'il est lié en réalité à la plus grande importance chez les Juifs de la famille par rapport à la nation. Aussi les antisémites ont-ils projeté sur les Juifs des catégories de pensée qui leur sont étrangères.
On assiste donc a une progression de l’antisémitisme politique. Vers la fin du XIXe siècle, un nombre croissant d'individus reçoivent le droit de voter. De nouveaux partis se créent, qui donne naissance à des mouvements de masse modernes. Les groupes et les classes qui détiennent le pouvoir depuis des siècles sont aux prises avec un phénomène nouveau : ils doivent se mesurer à d'autres dans l'arène politique. Les partis commencent à recourir aux moyens modernes de propagande de masse afin d'attirer les électeurs.