Affaire dreyfus
Il est de coutume de faire entrer l’affaire Dreyfus dans les guerres franco-françaises qui ont progressivement dessiné le profil de la France contemporaine. Mais cet affrontement déchire la nation de manière singulière. Il ne s’agit pas comme dans les profondes fractures révolutionnaires du 19ème siècle d’un événement qui mobilise les masses et oppose entre eux jusqu’au fin fond des campagnes des groupes sociaux devenus irréconciliables. L’Affaire relève avant tout de la sphère du débat politique. Il s’y ajoute toutefois une dimension particulière. Si la poussée antisémite et nationaliste ne menace guère, en profondeur, les institutions et l’ordre, l’Affaire a en revanche une dimension morale qui met à l’épreuve les valeurs mêmes de la République.
Nous tenterons donc de répondre à la question suivante : en quoi l’affaire Dreyfus enracine-t-elle la République en France ?
Dans un plan en trois parties, nous verrons d’abord le procès de Dreyfus puis l’opposition des deux Francs et, enfin, la recomposition du paysage politique.
I. Le procès Dreyfus
A.La condamnation du capitaine Dreyfus
L’affaire Dreyfus commence le 15 octobre 1894 quand le capitaine Dreyfus, officier d’état-major, est arrêté et incarcéré pour espionnage au profit de l’Allemagne. On l’accuse d’avoir livré les plans du nouveau canon de 75 français. En décembre, son procès se déroule à huis clos en conseil de guerre à Paris. Le 22 décembre, il est reconnu coupable à l’unanimité des sept juges et condamné à la déportation à vie. Le 5 janvier, il est dégradé dans la cour de l’Ecole militaire et seize jours plus tard embarqué pour l’île du Diable au large de la Guyane. A ce stade, l’opinion est unanimement hostile à Dreyfus, et Clemenceau et Jaurès trouvent la peine légère. Seule la famille de Dreyfus et un journaliste qu’elle a engagé pour faire la lumière sur l’affaire, Bernard Lazare, luttent contre ce sui est pour l’opinion une évidence. Leur conviction est toutefois