Afghanistan : les raisons d'un conflit interminable

La prolongation de la guerre d’Afghanistan après le retrait des troupes soviétiques montre qu’il ne s’agit ni d’une simple confrontation est-ouest dans le cadre de la guerre froide, ni d’une confrontation idéologique entre islam et communisme, mais d’un conflit local, fondé sur le jeu des puissances régionales : le Pakistan tient à contrôler le futur Afghanistan islamique pour s’assurer une profondeur stratégique contre l’Inde, l’Arabie Saoudite tient à parrainer un mouvement sunnite conservateur pour contrer l’Iran, qui cherche, pour s’affirmer après avoir été affaibli par la guerre du Golfe, à garder le contrôle des minorités chiites dans la région, l’Inde soutient l’actuel régime de Kaboul pour contrer le Pakistan. Ce conflit local est aussi fondé sur les oppositions ethniques et tribales, c’est-à-dire les facteurs sociaux et culturels du conflit.
La confrontation est-ouest a laissé une séquelle majeure sur le plan idéologique : une opposition certaine entre les campagnes afghanes, tenues par les mouvements fondamentalistes, et la ville de Kaboul dont la population est quant à elle « occidentalisée » par l’influence russe. Mais la prolongation du conflit est fondée essentiellement sur l’installation d’une société de guerre en Afghanistan. C’est une guérilla constante, moderne par son armement, son insertion dans la géostratégie des années 50-90, ses références idéologiques et son organisation politique (partis), mais traditionnelle par rapport à l’action guerrière. Cette guerre marque la continuité, qui exprime à la fois la permanence et la mutation d’une société traditionnelle qui s’adapte à la modernisation extérieure du conflit. C’est la projection d’un espace de guerre traditionnel sur un espace de guerre moderne, qui peut expliquer la complexité de cette guerre et son infinitude. En quoi la guerre se « re-traditionnalise-t-elle » pour devenir un facteur d’équilibre entre les groupes rivaux, et