Amitié
Notre monde ne considère pas l’amitié sous un angle moral. Nous pensons plutôt l’amitié comme un sorte de convivialité plaisante. Nous confondons le copain ou le camarade avec l’ami, ou nous prenons pour acquises des relations de fait, celles qui doivent se nouer entre des gens qui sont soumis aux mêmes règles dans une institution. Il est ainsi significatif que nous privilégions le mot sympathie, dont l'étymologie désigne, comme dans compassion, une communauté de sentiments. En se manifestant au-delà des limites du moi et de ses intérêts, la sympathie nous rend bien sûr l'autre plus proche. . Mais la sympathie n'est pas l'amitié, qui est davantage, car la relation qu'elle désigne est réciproque et ne doit rien aux accidents qui nous placent ici plutôt que là parmi des êtres que nous n'avons pas choisis. Cette incertitude nous permettra de déterminer des degrés dans l'amitié.
On pourra d'abord évoquer une amitié plaisante, celle dans laquelle ce qui est aimé c’est l’agréable. Cette amitié est celle que nouent ceux qui recherchent ensemble les mêmes plaisirs. L’ami est celui qui a les mêmes jeux, les mêmes loisirs, celui dont la compagnie est agréable et festive. C’est l’amitié privilégiée de la jeunesse en général. Mais l’agrément est cause très instable et fragile : le plaisir change au gré des circonstances et de la maturité de chacun. Ainsi cette amitié est accidentelle, comme est accidentelle sa cause. Elle peut se nouer et se dénouer au gré des circonstances.Appelons ensuite amitié utile, celle dans laquelle ce qui est aimé, c’est l’utilité. Cette amitié se rencontre chez ceux qui ont une relation fondée sur le service mutuel. L’ami est celui qui me rend service en m’apportant ce qui m’est utile et auquel je rends service dans le même sens. Or nos besoins sont relatifs aux circonstances. Aussi une telle amitié va-t-elle se dissoudre dès que l’utilité ne sera plus ressentie. L’amitié utile est une relation