Analyse incipits de l'Etranger
« Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile : « Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués. » Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier. »
Cet incipit est parfois considéré en opposition aux codes traditionnels de l'incipit des romans du XIXe siècle, avec notamment le manque d'informations et les imprécisions sur le cadre spatio-temporel (époque et lieux), les personnages, les circonstances du récit. Dans les premières phrases, le narrateur et la mère ne sont ni nommés, ni décrits. Les sentiments du narrateur ne sont pas explicités, bien que la narration à la première personne suggère un journal ou un compte-rendu personnel. De même l'époque et les lieux ne sont pas détaillés : seul est mentionné « l'asile » et pour l'époque « aujourd'hui » ou « peut-être hier ».
Cet incipit apparait aussi comme un condensé du roman, faisant aussi écho au titre « L'Étranger ». La première phrase comme les suivantes laissent ainsi apparaitre un personnage principal (Meursault, le narrateur) singulier, étranger aux évènements, ne semblant éprouver ou manifester aucun sentiment à propos de la mort de sa mère, ne daignant pas préciser les circonstances du décès et formuler son attachement personnel. Ce narrateur fait un récit froid, extérieur et objectif des actions, exprimées avec des phrases courtes, de manière comparable au style des télégrammes mentionné dans la troisième phrase.
L'incipit s'ouvre dès la première phrase sur l'évènement de la mort, thème omniprésent dans le roman, et l'incapacité singulière du narrateur à exprimer de la tristesse ou de l'effroi. Dans les premières phrases apparaissent aussi le thème de la société et des conventions sociales entourant la mort, à l'exemple de la notion juridique ou adminstrative de « décès », de l'organisation de « l'enterrement », voire de la formule de politesse « sentiments distingués » juste après