Andre gide- la porte etroite
« Sans doute je ne comprenais que bien imparfaitement la cause de la détresse d’Alissa, mais je sentais intensément que cette détresse était beaucoup trop forte pour cette petite âme palpitante, pour ce frêle corps tout secoué de sanglots. »
Leur relation s’épanouit dans une ferveur religieuse partagée, approfondie par des lectures communes. Année après année, Jérôme s’efforce avec Alissa et pour elle à la vertu la plus absolue et n’a d’autre souhait que de l’épouser : « Je ferais fi du ciel si je ne devais pas t’y retrouver. » Cependant, Alissa découvre que sa sœur Juliette aime, elle aussi, Jérôme. Ajournant leurs fiançailles, elle tente de s’effacer au profit de sa cadette. Mais celle-ci, assurée que Jérôme n’éprouve rien pour elle, rivalise dans le sacrifice en épousant un tiers.
Suit une longue séparation. Juliette, entourée de l’affection de son mari, trouve, à défaut du bonheur rêvé, un apaisement. Jérôme et Alissa peuvent à nouveau laisser cours à leur amour. La correspondance qu’ils échangent drape leur sentiment d’une telle pureté qu’ils redoutent la confrontation avec la réalité. Si leurs premières retrouvailles sont médiocres, les suivantes sont meilleures. Cependant Alissa rejette encore une fois toute possibilité de bonheur matériel et terrestre :
« – Que peut préférer l’âme au bonheur ? m’écriai-je impétueusement. Elle murmura :\ – La sainteté... »
Afin de détourner d’elle son cousin – pour le laisser plus libre d’aller vers Dieu – elle entreprend de s’enlaidir et d’affadir son esprit. Jérôme dérouté ne reconnaît plus celle qu’il aimait. Ils se séparent. Trois ans plus tard, une nouvelle entrevue entre un Jérôme déçu et une Alissa douloureusement amaigrie précède de peu la mort de la jeune femme. Son journal intime, placé avant l’épilogue, révèle une peur du bonheur trop vite atteint, la crainte de tout désir ou incarnation de l’amour, son obstination à se considérer comme un obstacle entre Jérôme et la sainteté, son