Anthologie poétique
à une passante
La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d'une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ;
Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son œil, ciel livide où germe l'ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.
Un éclair... puis la nuit ! - Fugitive beauté
Dont le regard m'a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ?
Ailleurs, bien loin d'ici ! Trop tard ! Jamais peut-être !
Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais !
Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, 1861.
• Registre : lyrique, pathétique. • Thème : romanesque, celui de la rencontre, on retrouve l’éloge de la femme inconnue, et le désespoir d’un échec pour le poète. • Discours : descriptif. • Impressions personnelles : c’est un poème d’amour à travers une scène de la vie courante, une femme qui passe simplement dans la rue. La femme à la fois attirante et effrayante représente un Idéal inaccessible, le poème retrace un élan de désir pour finir par une chute mélancolique. Baudelaire écrit une forme d’amour différente, celle pour une inconnue, c’est un sonnet de l’époque romantique, époque où l’on redécouvre cette forme et ici elle est bien remise aux gouts du jour, Baudelaire fait l’éloge de la femme de manière simple puis livre son désespoir qui apparait comme insensé.
J’arrive où je suis étranger
Rien n’est précaire comme vivre
Rien comme être n’est passager
C’est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J’arrive où je suis étranger
Un jour tu passes la frontière
D’où viens-tu mais où vas-tu donc
Demain qu’importe et qu’importe hier
Le coeur change avec le chardon
Tout est sans rime ni pardon
Passe ton doigt là sur ta tempe
Touche l’enfance de tes yeux
Mieux vaut