Antonin artaud - les dix-huit secondes
Premier scénario d'Artaud écrit pour le cinéma, probablement vers 1924-1925. Les nombreux éléments autobiographiques du texte suggèrent qu'il était destiné à être joué par Génica et Artaud lui-même. Dans une rue, la nuit, sur le bord d'un trottoir, sous un bec de gaz, un homme en noir, le regard fixe, tourmentant sa canne, à sa main gauche une montre pend. L'aiguille marque les secondes. Gros plan de la montre marquant les secondes. Les secondes passent avec une lenteur infinie sur l'écran. A la dix-huitième seconde, le drame sera terminé. Le temps qui va se dérouler sur l'écran est un temps intérieur à l'homme qui pense. Ce n'est pas le temps normal. Le temps normal est de dix-huit secondes réelles. Les évènements que l'on va voir s'écouler sur l'écran seront constitués par des images intérieures à l'homme. Tout l'intérêt du scénario réside dans ce fait que le temps pendant lequel se passent les évènements décrits est réellement de dix-huit secondes alors que la description de ces événements demandera une heure ou deux pour être projetée sur l'écran. Le spectateur verra se dérouler devant lui les images qui, à un moment donné, se mettront à défiler dans l'esprit de l'homme. Cet homme est un acteur. Il est sur le point d'atteindre la gloire, tout au moins une grande renommée, et il va également conquérir le cœur d'une femme qu'il aime depuis longtemps. Il a été frappé d'une maladie bizarre. Il est devenu incapable d'atteindre ses pensées; il a conservé sa lucidité entière, mais quelque pensée qui se présente à lui, il ne peut plus lui donner une forme extérieure, c'est-à-dire la traduire en gestes et en paroles appropriés. Les mots nécessaires lui manquent, ne répondent plus à son appel, il en est réduit à ne voir défiler en lui que des images, un surcroît d'images contradictoires et sans grand rapport les unes avec les autres. Ceci le rend incapable de se mêler à la vie des autres, et de se livrer à une activité. Vision de l'homme chez le