Le drame qui se joue “Night and day, you are the one / Only you beneath the moon or under the sun”, susurre le standard de Cole Porter. Une histoire d'amour qui, sous la plume des ethnologues Jean Jamin (EHESS) et Patrick Williams (CNRS), se mue en passion pour le jazz. Se posant à la fois en amateurs et en chercheurs, ils offrent avec Une anthropologie du jazz, publié aux éditions du CNRS, non pas un manuel mais un recueil d'études à deux voix. L'ouvrage fait suite à des séminaires proposés pendant plusieurs années à l'EHESS et reprend dans de nouvelles versions des articles publiés auparavant dans L'Homme, Les Cahiers du jazz ou encore Ethnologie française. Comment pense-t-on le jazz et ses musiciens ? Quel est le lien entre leur vie et leur musique ? Entre leur musique et leur communauté ? Les deux anthropologues font miroiter le prisme du jazz, interrogeant ses acteurs, ses pratiques, ses conditions de création et de réception, ses légendes, mais aussi la construction du discours critique qui l'accompagne, ouvrant des pistes d'études de cette musique "qui déborde la musique".
"Just one of those things" A l'image de son nom, que l'on rattache tour à tour à des origines africaines, argotiques ou même françaises - avec le verbe "jaser" - l'identité du jazz est sinueuse. Né au début du XXe siècle, il est la rencontre de différents courants musicaux : les chants de travail des esclaves, la musique noire américaine, le gospel puis le blues, transportant avec lui toute l'histoire des Etats-Unis. Pourtant, "que le jazz soit apparu et se soit développé aux Etats-Unis ne suffit pas à l'ancrer, ni ethniquement, ni musicologiquement, ni idéologiquement, soulignent Jean Jamin et Patrick Williams. Ce Nouveau Monde qui l'a vu naître était déjà un monde de strates, de mélanges, de failles et de secousses, un monde en évolution rapide, voire en ébullition, surtout à La Nouvelle-Orléans que, depuis longtemps, on considère, à tort ou à raison, comme le berceau du jazz."