Un jour de mai 1834, Robert s'embarque au Havre à destination de New-York. Il a 31ans, et il laisse sa femme et ses 4 enfants en Suisse. Il fuit le milieu familial et sa terre natale qui semble sans promesse. Il n'a pas un sou en poche. Pendant deux ans, il exerce toutes sortes de petits métiers mais il est irrésistiblement attiré vers l'Ouest. Il se rend à Saint-Louis en continuant d'exercer une série de petits boulots. Patiemment, il lie conversation avec tous les aventuriers ou marchands qui reviennent de l'Ouest. Et toutes les informations qu'il reçoit concordent : plus à l'ouest, il existe des terres mystérieuses, fertiles, opulentes. A Santa Fé, chez les Indiens, il apprend l'existence d'un "autre pays s'étendant encore beaucoup plus loin à l'Ouest, bien au-delà des montagnes rocheuses, au-delà des vastes déserts de sable". Ce pays, c'est la Californie. En 1838, Suter tente le grand voyage. En 1839, il arrive à Honolulu, où il a l'idée de se procurer des travailleurs pour la Californie en faisant la traite des populations canaques des îles. Pour cela, il fonde une société, puis entreprend la dernière partie de son voyage.
En 1839, la Californie est une province de la République de Mexico, mais le pays est à peine exploré et Suter obtient facilement d'importantes concessions. Avec les esclaves canaques et la poignée d'aventuriers blancs qu'il a recrutés, il édifie un immense domaine, "La Nouvelle Helvitie" où les moissons rapportent beaucoup. Manœuvrant habilement entre les intérêts du Mexique et ceux des Etats-Unis, luttant avec sa petite armée contre les tribus indiennes, il devient le propriétaire de terres immenses, aux revenus fabuleux. Il est comme le roi incontesté d'un véritable petit état. Mais en janvier 1848, le coup de pioche d'un charpentier provoque la découverte de gisements d'or sur ses terres. La nouvelle se répand très rapidement. Des dizaines de milliers d'hommes arrivent en Californie et envahissent la "Nouvelle Helvétie". Les champs,