Argumentation
L’Argumentation : genèse d’une anthropologie du convaincre
1. Introduction Dans Les grands sophistes dans l’Athènes de Périclès1, Jacqueline de Romilly montre combien l’invention de la rhétorique par Corax, en Sicile grecque au Ve siècle av. J.-C., est intimement liée à la naissance de la démocratie, et pensée comme élément clé de la révolution démocratique. Aussi, réfléchir sur les pratiques argumentatives dans les débats politiques télévisés aujourd’hui, oblige à porter un regard rétrospectif sur la co-émergence de la démocratie et de la rhétorique en Grèce classique ; et en particulier sur le débat opposant Platon aux sophistes, parce qu’il consacre en occident notre rapport du langage (et des pratiques argumentatives en l’occurrence) au politique.2 La rhétorique classique ― et ce jusqu’à son renouvellement au siècle dernier ― constitue en effet le socle idéal des théories de l’argumentation en tant qu’elles s’intéressent au mécanisme global qui va de l’invention d’un argument à son acception ou son rejet par ceux qui le reçoivent. L’argumentation est peut-être co-extensive à l’existence du langage, mais la codification de la réflexion sur l’argumentation remonte à l’apparition de techniques de vérité dans la pensée grecque classique. (WOLFF, 1995 : 63) Héritier de la culture grecque — tronc commun de la pensée occidentale — les théories modernes de l’argumentation s’inscrivent dans la perspective logocentrique de la rhétorique — héritée des premières conceptions platoniciennes et aristotéliciennes sur le langage et fondées sur la mythologie du logos, relevant ainsi d’une sorte d’anthropologie du convaincre. Ce regard porté sur la co-incidence de la démocratie et de la rhétorique doit ainsi