L'arrêt Association AC ! (61) est probablement, d'un point de vue conceptuel au moins, car il est encore un peu tôt pour en apprécier exactement toutes les incidences pratiques, l'un des plus grands arrêts de ces dernières années. Le juge administratif s'y reconnaît en effet la possibilité de moduler dans le temps les effets de ses annulations d'actes administratifs après avoir consacré de manière expresse le principe, classiquement admis mais jamais aussi clairement formalisé par le juge, suivant lequel « L'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu ». Soigneusement préparée au sein du Palais-Royal (62), cette évolution qui était dans l'air du temps depuis quelques années (le gouvernement avait même envisagé de la réaliser par ordonnance avant d'y renoncer, cet épisode ayant d'ailleurs très probablement accéléré le processus de maturation de la réflexion menée au Conseil d'État) a été très bien accueillie par les premiers commentateurs. On se contentera ici, en laissant de côté les faits de l'espèce connus de tous (cet arrêt est un des nombreux épisodes de la très médiatique épopée juridique des chômeurs « recalculés » et les requérants y contestaient la légalité d'une série d'agréments ministériels), de mettre en évidence que cet arrêt était attendu, qu'il est clairement inspiré d'exemples extérieurs au contentieux administratif français et qu'il constitue à plusieurs égards une profonde évolution. L'arrêt était tout d'abord attendu. En effet, l'innovation qu'il contient était appelée de ses voeux par des membres éminents du Conseil d'État depuis quelques années déjà, qu'on songe par exemple au président Braibant (63) ou au président Labetoulle (64) qui obtient ainsi satisfaction sur cette question quelques semaines seulement avant de quitter la présidence de la Section. Et la doctrine n'avait pas été en reste pour se prononcer dans le même sens (65). De plus, cette évolution s'inscrit à la