Arthur rimbaud; illumination
Le pavillon en viande saignante sur la soie des mers et des fleurs arctiques ; (elles n’existent pas.)
Remis des vieilles fanfares d’héroïsme - qui nous attaquent encore le cœur et la tête - loin des anciens assassins -
Oh ! Le pavillon en viande saignante sur la soie des mers et des fleurs arctiques ; (elles n’existent pas.)
Douceurs !
Les brasiers, pleuvant aux rafales de givre, - Douceurs ! - les feux à la pluie du vent de diamants jetée par le cœur terrestre éternellement carbonisé pour nous.
- O monde ! -
(Loin des vieilles retraites et des vieilles flammes, qu’on entend, qu’on sent,)
Les brasiers et les écumes. La musique, virement des gouffres et choc des glaçons aux astres.
O Douceurs, ô monde, ô musique ! Et là, les formes, les sueurs, les chevelures et les yeux, flottant. Et les larmes blanches, bouillantes, - ô douceurs ! - et la voix féminine arrivée au fond des volcans et des grottes arctiques.
Le pavillon…
Rimbaud, Illuminations (comp. 1874 / public. 1886)
Ce poème de Rimbaud est déroutant. Son abord est difficile parce qu’il est ardu de trouver une structure logique à laquelle accrocher son analyse. Ce texte se révèle au final comme une énigme dont les clés sont disséminées par l’auteur dans le texte. Il faut en effet plusieurs lectures attentives pour découvrir que Rimbaud a créé une sorte de défi intellectuel qui unifie ses jeux esthétiques et qui leur donne tout leur sens. Faute d’avoir déchiffré cette énigme, le lecteur ne peut aller au bout des intentions très construites de Rimbaud. Il est condamné à rester à la surface de ce poème qui, de prime abord, apparaît touffu, jaillissant et disjoint. Ce texte est finalement paradoxal : ces propos bouillonnants et décousus sont peut-être un réquisitoire virulent contre le nationalisme belliqueux en même temps que le rêve fou d’un monde nouveau.
Posons donc d’abord les termes de l’énigme.
Le titre d’abord : barbare. Il s’agit