Article 11
Cette chronique a été publiée dans le numéro 9 de la version papier d’Article11
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« Et les enfants, on les mettait au coin. Les grandes personnes avaient-elles oublié leurs jeux d’enfants, les livres qui les passionnaient quand elles étaient petites ? Il fallait bien qu’elles eussent oublié. Sans quoi on nous aurait permis de faire amitié avec les gens de la rue, de grimper sur les toits, de patauger dans les flaques d’eau et de voir une bouilloire dans le roi des échecs. » (Léo Cassil, Le Voyage imaginaire)
Le Voyage imaginaire est écrit en 1931 par un jeune auteur russe de 26 ans, Léo Cassil. S’il connaît un certain succès à sa sortie en 1933, sous le nom de Schwambrania, devenant en peu de temps un classique de la littérature « enfantine » en terre moujik, l’ouvrage est rapidement interdit par l’administration soviétique. Dès 1937, il cesse d’être réimprimé – il ne fera son retour dans les librairies russes qu’après la mort de Staline, en 1955, expurgé de nombreux passages. 1937, c’est également l’année où le livre est publié en France, grâce à l’enthousiasme d’un certain André Malraux. 1937, enfin, c’est la lugubre année où le frère de Léo Cassil, Ossip, est arrêté et exécuté.
Ossip est présent dans Le Voyage imaginaire – qui oscille entre fiction et récit biographique – sous le nom d’Osska. C’est même l’un des deux personnages principaux. Petit frère du narrateur, il est aussi brillant que lunaire : « Un grand confusionniste », qui « voyait la seconde âme des objets » et « entrait en conversation avec n’importe qui dans la rue,