Je suis clodo et tu m'emmerde!

Chapeau

Quelque part entre le boulevard Voltaire et l'avenue Philippe Auguste (deux ...), il est là, gisant près d'une bouche d'égout qui lui renvoie un semblant de chaleur. Une bouteille d'alcool à la main, il baragouine un charabia qui semble n'être intelligible que par lui seul. Un peu plus loin, quelque part sur les bords du canal St Martin « le pauv'con qui a voulu aider un clodo en lui donnant la moitié de son T-Shirt », il est là étendu sous une odeur nauséabonde. Une main gangrénée et des chaussettes agglutinées entre les moisissures et les escarres de ses pieds. Il est là depuis toujours. Une éternité que les regards feignent de ne pas le voir. Des milliers d'yeux l'ont évité sans se rendre compte que c'est désormais lui qui snobe le commun des mortels. Lui, c'est celui qu'on ne sait pas nommer. Routard, zonard, clochard, il évolue au gré des registres, tantôt vagabond tantôt sans logis, des fois sans abris. Lui, c'est surtout cet étranger de l'intérieur, l'exclu, victime de la « fracture sociale » celui qui renvoie une image qu'un français sur deux a peur de refléter. Celui qui dans l'inconscient collectif se confond avec le trottoir et se conforte avec son propre miroir : le « sans domicile fixe ».

L'étranger de l'intérieur

« SDF, une appellation aussi stupide qu'ADF (avec domicile fixe) tant elle ne veut rien dire » confie Laurent bénévole de l'association les compagnons de la nuit. Il est vrai qu'affubler toute une tranche de la société parfaitement hétérogène d'un seul et même sigle est révélateur d'un manque de profondeur dans l'analyse de cette tranche qui compte près de 86500 personnes d'après la dernière étude de l'INSEE. Mais au delà même de cette hétérogénéité, le sigle en lui même est faussé. En effet, il est il y a parmi eux des individus qui ont des « abris fixes » depuis de nombreuses années, des abris que certains considèrent comme un domicile. « Il y a beaucoup de types qui vivent dans le même