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Illustration et sérialité dans les livraisons romanesques (1870-1910)
Dans son compte-rendu de l’ouvrage Civilisation de l’image, Roland Barthes remarque que, contrairement à ce que l’on affirme souvent, nous ne sommes pas entrés dans une civilisation de l’image, mais dans une civilisation du texte et de l’image, mixte du verbal et de l’iconique1. Il n’est pas anodin que ses réflexions aient porté sur certaines formes de la communication de masse, en particulier sur la publicité, car la culture populaire a constamment joué de ce va-et-vient entre le texte et l’image. Si l’image communique immédiatement, attire le regard et conduit celui-ci à se prolonger dans le geste (d’achat, de consommation), le texte de son côté vient cadrer le message iconique, et en assure l’efficacité. On est dans une logique de communication qui recherche l’évidence et la simplification pour des raisons qui peuvent être idéologiques, commerciales, ou liées à une volonté d’efficacité des procédés romanesques.
Le poids de l’illustration dans la culture populaire
Sans préjuger de ses fonctions, qui sont en réalité variées, on peut constater dès l’abord que l’illustration joue un rôle considérable dans l’édition populaire. Dans ce domaine, rares sont les publications qui n’intègrent pas d’une façon ou d’une autre une relation à l’image : celle-ci intervient à des degrés divers, par des formes mixtes (bande dessinée, roman-photo, récit en images2), par des formes textuelles illustrées (roman ou feuilleton illustré, couvertures figuratives), ou par la prise en compte d’intertextes picturaux ou visuels dans la lecture de l’œuvre (ciné-romans, novellisation des différentes formes de la culture populaire). De telles relations témoignent de ce que, comme l’a montré Marc Lits, le fait littéraire en littérature populaire se révèle plus largement comme un fait médiatique, et doit être conçu dans un tissu de relations et d’influences plus large,