Créer est un terme qui, au premier abord, semble assez vague. Comment en serait-il autrement, dans la mesure où le champ qui est le sien s'étend, semble-t-il, de manière indéfinie : on parlera de création du monde, sans doute, mais aussi de la création d'une oeuvre d'art, voire d'une nouvelle collection de mode — et la vie elle-même, dit-on parfois, est création. De là peut-être la difficulté de définir une notion qui semble s'étendre à des réalité aussi diverses. Pourtant, à une époque où chacun rêve de créer (désir de création d'autant plus fort que la foi en un Créateur semble ébranlée), peut-être n'est-il pas de tâche plus urgente que celle d'une délimitation rigoureuse d'une telle notion. Sans doute chacun sent bien que l'acte de créer est lié à l'apparition d'une nouveauté radicale. Mais, à moins de s'en tenir, de manière évidemment trop restrictive, à la création ex nihilo de la Bible, il faudra bien tenter de mettre en évidence ce qui, au sein même d'un monde donné, peut constituer une création, et non point, par exemple, une simple fabrication ou encore une action. Le paradoxe de la notion de création est peut-être tout entier dans cette double nécessité qui semble contradictoire : nécessité d'acceptation d'un donné et en même temps nécessité de dépassement de ce donné. La création, dans la mesure même où elle ne saurait être arbitrairement réduite à la création ex nihilo dont la Bible porte témoignage, peut-elle — et comment ? s'accommoder de la prise en charge d'un donné sans pour autant déchoir