autrui
Un clip d'une chaîne de télévision musicale américaine montre une succession de visages différents. A chaque visage est substituée progressivement son image radiographique. L'idée est la suivante: par delà les différences de couleur, de sexe, de coutume esthétique, nous avons tous le même crâne. Mais n'est-ce pas là interpréter le message du clip? En effet, nous savons qu'il ne s'agit pas du même crâne. Nous partageons seulement une ressemblance: nos crânes sont ressemblants. Pourquoi alors cette lecture spontanément infidèle à la lettre même du message? Parce que nous apercevons la difficulté qu'il y a à fonder la reconnaissance de lautre comme objet de mon respect, ce qu'on appelle "mon semblable". est-ce celui qui m'est identique, ou est-ce celui qui me ressemble? Spontanément, nous avons opté pour la première solution. Le travail du philosophe consiste à dépasser l'opinion spontanée, simple préjugé, pour atteindre le jugement fondé. Aussi nous faut-il examiner cette question: la reconnaissance du lien moral avec autrui peut-elle naître d'un constat de ressemblance ou d'identité? Mais qu'est-ce qui les différencie? Plus précisément, qu'est-ce que "ressembler"?
Examinons ce concept de "ressemblance", et voyons comment il peut fonder une relation morale avec autrui.
Si A ressemble à B, cela signifie que A n'est pas identique à B. Comprenons bien cet aspect de la signification du concept: je ressemble à mon père, je ne suis pas mon père. La ressemblance vient après la différence qui est première ou fondamentale. Ainsi, le concept pose des individus singuliers: il y a moi, il y a l'autre, il y a une irréductible différence (je suis fondamentalement moi différent de l'autre, et réciproquement) et des points communs (il y a moins de différences entre nos deux crânes, qu'entre nos crânes et ceux du chimpanzés). Ce qui ressemble peut éventuellement s'assembler, mais est d'abord