Aux poëtes, Du Camp, Chants modernes
CHANTS MODERNES
1
AUX
POETES
Poètes, croyez-moi 1 ne dites plus : « Ma lyre!
»
Ne dites plus : « 0 Muse ! » Oubliez ces vieux mots !
Imitez Rabelais quand il disait : les pots !
Au lieu t du dieu Bacchus et de son saint délire ! »
Laissez tous les dieux morts dans leurscieux
Délivrez-nous
enfin de la mythologie;
Laissez le vieux Silène et sa pause élargie,
Et ses grands boucs lascifs de guirlandes liés!
oubliés;'
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Jupiter est sans foudre et Venus est ridée :
La Ménade en sueur n'erre plus dans les bois,
Actéon ne suit plus les biches aux abois,
Et la coupe d'Hébe* pour toujours
est vidée.
Diane ne va plus, dans son bosquet poncif,
Chercher Endymion
Apollon
au retour
de la chasse ;
de vieillesse est mort sur le Parnasse ;
Hippocrène
est à sec et Pégase est poussif.
La nymphe ne tient plus l'urne
L'hydre
d'or des rivières
de Lernc, éteinte au milieu
;
des roseaux,
N'est plus qu'un grand marais ; j'ai vu ses vertes eaux
Daigner les jeunes foins et les blondes rizières.
Le Styx et l'Achéron
Achille
n'ont plus de « sombres bords;
est enterré sous des tertres arides ;
Il ne reste plus rien du palais des Atrides,
Et les tombeaux
Corinthc
d'Argos n'ont même plus leurs morts.
est dévastée, et Sparte est inconnue ;
Delphes n'a plus d'oracles;
Carona
disparu,
Ixion maintenant
le Tartarc
Eleusis est détruit ; est sans bruit
peut embrasser
la nue!
:
»
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57 —
S'il faut chercher les dieux au fond du firmament,
Ce n'est pas en priant, c'est avec des lunettes ;
De tous ces détrônés on a fait des planètes,
Et Mercure, aujourd'hui,
L'Olympe
n'est qu'un médicament.
est écroulé ! Ce n'est pas que je blâme
Ceux qui vont s'inspirer
aux splendeurs d'autrefois;
Il est permis d'aimer les vieux dieux, les vieux rois,
Et l'on peut allumer
sa verve à toute flamme!
11est bon de savoir les récits du passé,
D'apprendre les chants purs « dont la Grèce est la n:ère, »
De connaître Platon, de méditer Homère,
Et d'abreuver son âme à