Bac de francais
TEXTE A - Victor Hugo, Les Misérables, 4e partie, livre 12, 1862.
Gavroche, un gamin de Paris, aide les insurgés qui construisent une barricade, au cours de l’émeute parisienne de juin 1832.
Victor HugoGavroche, complètement envolé et radieux, s’était chargé de la mise en train. Il allait, venait, montait, descendait, remontait, bruissait, étincelait. Il semblait être là pour l’encouragement de tous. Avait-il un aiguillon ? oui certes, sa misère ; avait-il des ailes ? oui certes, sa joie. Gavroche était un tourbillonnement. On le voyait sans cesse, on l’entendait toujours. Il remplissait l’air, étant partout à la fois. C’était une espèce d’ubiquité1 presque irritante ; pas d’arrêt possible avec lui. L’énorme barricade le sentait sur sa croupe. Il gênait les flâneurs, il excitait les paresseux, il ranimait les fatigués, il impatientait les pensifs, mettait les uns en gaieté, les autres en haleine, les autres en colère, tous en mouvement piquait un étudiant, mordait un ouvrier ; se posait, s’arrêtait, repartait, volait au-dessus du tumulte et de l’effort, sautait de ceux-ci à ceux-là, murmurait, bourdonnait, et harcelait tout l’attelage ; mouche de l’immense Coche révolutionnaire.
Le mouvement perpétuel était dans ses petits bras et la clameur perpétuelle dans ses petits poumons :
- Hardi ! encore des pavés ! encore des tonneaux ! encore des machins ! où y en a-t-il ?Une hottée2 de plâtras pour me boucher ce trou-là. C’est tout petit votre barricade. Il faut que ça monte. Mettez-y tout, flanquez-y tout, fichez-y tout. Cassez la maison. Une barricade, c’est le thé de la mère Gibou3. Tenez, voilà une porte vitrée.