Bac sti philo
Un livre d’Ernest Closson Publié par Malik Sadoine
Introduction n ne se représente pas assez l'importance revêtue, dans le développement de l'art musical, par l'organe sonore lui-même. Ici, comme ailleurs, tout se tient. L'instrument affecte directement l'invention musicale, il la conditionne et même, l'inspire par ses possibilités, comme par ses limites. Il est en partie générateur du style, dont il jalonne les étapes, comme le matériau dans l'architecture. L'invention du système Boehm pour les bois, plus particulièrement encore celle des pistons pour les cuivres ont, en dernière analyse, une portée équivalente à celle des chefs-d'oeuvre de la littérature du clavier, comme le perfectionnement décisif des cuivres fut la condition initiale du chromatisme illimité et de la modulation éperdue de Tristan. De même que la cithare dans le monde antique et que le luth à la renaissance, l'instrument à corde avec clavier, se substituant au second à partir du XVIIIè siècle, est devenu aujourd'hui le plus important de nos organes sonores. On n'imagine pas notre vie musicale sans lui. Cette importance, il la doit en première ligne à ses capacités harmoniques et polyphoniques. Contrairement aux archets (qui se passent difficilement de son concours), le clavier se suffit à lui même et c'est pourquoi, le luth oublié, c'est sur le clavecin, puis sur le piano, que se concentre la composition pour un instrument autonome. Diminutif de l'orchestre, il ne consent à s'associer à celui-ci que dans le concerto, pour s'y résever le premier rang1. Mais c'est pour lui que se réduit la symphonie (et quelle satisfaction de "lire" à quatre mains, avec la libre spontanéité du sentiment personnel, les oeuvres des maîtres!). Le lied de Schubert, de Shumann et de Fauré est inconcevable sans lui. Il est aussi l'adjuvant habituel de la création musicale; c'est sur ses touches que prennent naissance, sous forme d'esquisses, la plupart des oeuvres symphoniques. Mais il est aussi