Barthes
Sur la géographie du Tour de France :
« La géographie du Tour est, elle aussi, entièrement soumise à la nécessité épique de l'épreuve. Les éléments et les terrains sont personnifiés, car c'est avec eux que l'homme se mesure et comme dans toute épopée il importe que la lutte oppose des mesures égales : l’homme est donc naturalisé, la Nature humanisée. (…) les étapes sont avant tout des personnages physiques, des ennemis successifs, individualisés par ce mixte de morphologie et de morale que définit la Nature épique. (…) Le Tour dispose donc d’une véritable géographie homérique. Comme dans l’Odyssée, la course est ici à la fois périple d’épreuves et exploration totale des limites terrestres. Ulysse avait atteint plusieurs fois les portes de la Terre. Le Tour, lui aussi, frôle en plusieurs points le monde inhumain : sur le Ventoux, on a déjà quitté la planète Terre, on voisine là avec des astres inconnus. »
Sur le dopage :
« Doper le coureur est aussi criminel, aussi sacrilège que de vouloir imiter Dieu ; c’est voler à Dieu le privilège de l’étincelle. »
Le Tour comme champ de bataille :
« La dynamique du Tour se présente évidemment comme une bataille, mais l’affrontement y étant particulier, cette bataille n’est dramatique que par son décor ou ses marches, non à proprement parler par ses chocs. Sans doute le Tour est-il comparable à une armée moderne, définie par l’importance de son matériel et le nombre de ses servants ; il connaît des épisodes meurtriers, des transes nationales »
La morale du Tour :
« Le Tour possède une morale ambiguë : des impératifs chevaleresques se mêlent sans cesse aux rappels brutaux du pur esprit de réussite. C’est une morale qui ne sait ou ne veut choisir entre la louage du dévouement et les nécessités de l’empirisme. Le sacrifice d’un coureur au succès de son équipe, qu’il vienne de lui-même ou soit imposé par le directeur technique, est toujours