Réflexions sur la technique

Une réflexion sur la technique ne peut se passer d'une réflexion sur l'homme lui-même. Nous étudierons ici l'homme technicien, capable de s'affranchir de l'ordre de la nécessité imposée par la nature. Nous verrons aussi que l'activité technique en formant son intelligence élève l'homme au-delà des êtres vivants. Enfin, nous verrons que cette domination acquise, si elle est déraisonnée, peut entraîner l'homme à sa perte.

D'abord le sens des mots...

Ce que les grecs appelaient technè, les romains le nommaient ars. Deux mots pour une seule réalité donc, bien qu'aujourd'hui, en français, nous accordions deux significations distinctes aux mots technique et art. Pour les anciens, l'activité de l'artiste et celle de l'artisan sont de même nature. Ce n'est pas la différence du produit fini qui fera la spécificité de l'activité. Car tous deux, artistes et artisan ont le privilège de créer, c'est-à-dire produire quelque chose de nouveau ; leur activité commune s'apparente donc à la création.

La différence entre les deux activités apparaît tardivement. L'Encyclopédie Diderot-d'Alembert distinguera les arts libéraux des arts mécaniques. Il s'agit ici de distinguer une production libre et désintéressée (l'oeuvre d'art) d'une production utile et mécanique (intelligence de l'outil ou de l'ouvrage technique). Au XIXème siècle, on accentuera cette distinction : l'ère industrielle annonce les usines, le monde des machines, etc.

Ce n'est qu'au XXème siècle, entre deux guerres, que l'on réconciliera le monde artistique et le monde technique : avènement du design, ou l'art de joindre l'agréable et le beau à l'utile.

1. Les origines de la technique

lecture : le mythe de Prométhée dans le Protagoras de Platon

"C’était au temps où les dieux existaient, mais où n’existaient pas les races mortelles. Or, quand est arrivé pour celles-ci le temps où la destinée les appelait aussi à l’existence, à ce moment les dieux les modèlent en dedans