Berkeley
A) Extrait tiré de l'oeuvre :
73- Il vaut la peine de réfléchir un peu aux motifs qui ont incité les hommes à supposer l'existence de la substance matérielle ; et que ayant ainsi observé à l'arrêt graduel et l'expiration de ces motifs ou raisons, nous puissions proportionnellement retirer l'assentiment qui se fondait sur eux. On a donc d'abord pensé, que la couleur, que la figure, le mouvement et le reste des qualités sensibles, ou des accidents, existaient bien réellement hors de l'esprit ; pour cette raison, il a semblé que l'on avait besoin de supposer un certain substratum, ou substance, non pensant, où elles existeraient, puisqu'on ne pouvait les concevoir existant par elle-mêmes. Puis, le temps passant, les hommes étant convaincus que les couleurs, les sons, et les autres qualités sensibles secondes, n'avaient pas d'existence hors de l'esprit, dépouillèrent le substrat ou la substance matérielle de ces qualités, lui laissant seulement les qualités premières, la figure, le mouvement et autres qualités semblables, qu'ils concevaient encore comme existant hors de l'esprit et comme ayant par conséquent besoin d'un support matériel. Mais, comme on a montré qu'aucune, même parmi celles-ci, ne peut exister autrement que dans une intelligence, ou esprit qui les perçoit, il s'ensuit que nous n'avons plus aucune raison de supposer l'existence de la matière. Bien plus, il est complètement impossible qu'il y ait rien de tel, tant que ce mot est pris comme dénotant un substrat non pensant de qualités ou d'accidents, dans lequel ils existent hors de l'esprit.
Berkeley, Principes de la connaissance humaine (paragraphe 73, p.109-110) Editions G.F.
B) Commentaire philosophique de l'extrait
Dès les XVII et XVIII èmes siècles, de nombreuses découvertes scientifiques et mathématiques bouleversent le monde jusqu'alors connu. En effet, l'Homme prend alors conscience de sa