Billet d'humeur 33 tour et quelques secondes
33 tours et quelques secondes ou l’impact du suicide d’un jeune militant des droits de l’Homme au Liban. Dans cette pièce Lina Saneh et Rabit Mroué exposent les paradoxes et les contradictions de leur pays mais aussi, et surtout, proposent une toute autre approche du théâtre et de l’hommage. Au travers d’une œuvre originale où l’on attendra jusqu’à la fin l’entrée d’un acteur, c’est toute la jeunesse du printemps arabe qui est ici mise en scène avec les interrogations que soulève l’acte inexplicable de Dyaa Yamout.
(Sur scène un bureau vide, la page Facebook de Dyaa projetée sur le mur du fond, une télévision qui diffuse de temps à autre un reportage sur le jeune homme, un téléphone, un répondeur, rien de plus.)
J’évoquerai tout d’abord les points négatifs, à commencer par toutes ces différentes temporalités qui se chevauchent. En effet comment ne pas se perdre lorsque les SMS reçus tout au long de la pièce datent des quelques heures qui précèdent la mort de Dyaa Yamout, alors que les commentaires de la page Facebook, avec qui ils sont superposés, s’étalent jusqu’à trois mois après, sans compter le répondeur qui, lui, ne donne aucune idée de son temps ? On peut aussi évoquer la passivité à laquelle le spectateur se voit réduit : nous sommes contraints de lire pendant une heure la page Facebook d’une personne dont nous ne savons que ce que l’on veut bien nous dire, très peu de chose en somme, puisque tout ce que nous devinons c’est qu’il se battait pour le droit de vote des femmes et certaines autres revendications sociales. D’ailleurs, lorsque l’on fait quelques recherches on découvre que le jeune militant, censé avoir existé, est un vrai fantôme. Nous restons face à un mur, au sens propre, d’où aucune émotion ne nous parvient vraiment. J’ai aussi eu le sentiment confus de ne pas vraiment être à ma place, de lire ou d’entendre des choses trop privées, destinées à quelqu’un qui ne pourra jamais les recevoir.