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Philippe Claudel répond aux questions des 1ères L du lycée Chateaubriand
- Comment avez-vous travaillé ? Est-ce que c’est difficile d’écrire sur quelque chose que l’on n’a pas vécu ? Avez-vous lu des ouvrages sur les camps ? Lesquels ?
Je travaille toujours sans me documenter. La seule documentation qui m’importe est celle qui vient de l’intérieur. Le roman pour moi est l’art du sensible. Les journalistes et les historiens se documentent, les romanciers, en tout cas certains dont je suis, vivent.
Lorsqu’on n’écrit autre chose qu’une autobiographie ou de l’autofiction, on se met toujours à la place de. C’est aussi cela être romancier : pouvoir s’incarner dans d’autres destins, dans d’autres sensibilités.
Depuis mon enfance, je lis et relis toute la littérature concentrationnaire. J’ai été très tôt frappé et meurtri par le principe du génocide, qui m’a toujours semblé incarner la part d’inhumanité dans notre humanité. Je n’ai cessé de me questionner sur cela.
- Pourquoi avoir situé votre histoire dans un lieu qui n’est pas identifié (la capitale, le pays) et pourquoi faire parler les personnages dans une langue qu’on identifie un peu comme de l’allemand mais qui n’en est pas ?
Je ne voulais orienter et désorienter le lecteur: l’orienter en glissant des repères linguistiques, géographiques, historiques qu’il croit connaître; le désorienter en sabotant légèrement ces repères. Pourquoi ? pour lui faire comprendre que l’histoire qu’il lit pourrait se dérouler partout, qu’elle a dimension universelle et que le principe du génocide ne se limite pas à un pays ni à une époque, hélas.
- Les personnages *le narrateur : pourquoi est-il si peu « héros », pourquoi accepte-t-il toutes ces humiliations ? Est-ce juste pour survivre ? ou par amour de sa femme ? ou parce qu’après avoir contribué à la mort de l’enfant dans le train, il ne se trouve plus digne ? Que voulez-vous nous dire à