Cadum
Chacun a peut-être sa petite idée de l'« austérité joyeuse », concept créé par notre incontournable écologiste Pierre Dansereau pour essayer de nous rentrer gentiment dans la cervelle qu'on devrait dépenser moins et conserver plus. Celle de mon copain Christian, éleveur dans l'âme, c'est, même s'il n'a pas de quoi acheter des cadeaux à ses proches pour Noël, de pouvoir leur offrir du foie gras provenant des canards qu'il aura lui-même élevés. Pour la jardinière que je suis, ce serait plutôt de leur offrir un sachet de safran que j'aurai cultivé dans mon jardin.
Cueillis péniblement à la main, les stigmates (ou extrémités supérieures du pistil) du safran constituent l'épice la plus chère du monde. À raison de trois stigmates par fleur, il faut 150 000 fleurs pour faire un kilo et près de cinq kilos frais pour faire un kilo séché. De ce fait, par le passé, le safran était souvent falsifié, notamment avec de la fleur de carthame, proche parente en couleur. Pour savoir si le marchand vous avait volé, on recommandait de plonger la main dans le sac. Si les stigmates restaient collés aux doigts, il y avait falsification, une offense, soit dit en passant, qui était punie de mort. Vraiment pas de quoi rigoler.
Et pourtant, le safran, c'est un simple crocus, tout aussi anodin que ceux qui se pointent le nez dans nos parterres très tôt au printemps. Plus précisément, il s'agit du Crocus sativus, nom qui vient du grec krokos, lequel signifie... safran. Bref, le safran, c'est l'ultime crocus. Le nom français (de même que l'anglais) est emprunté à l'arabo-persan za'faran, ce qui n'est pas étonnant quand on sait que les Arabes ont détenu pendant longtemps le monopole absolu du commerce des épices et qu'ils ont, par conséquent, exercé une influence déterminante sur leur nomenclature.
Ajoutons que le safran a jadis donné son nom à des préparations médicinales qui n'avaient rien à voir avec lui. Ainsi ce « safran de Mars apéritif », qui était en fait de l'hydroxyde de