Calliclès (à Socrate). [...] (Polos) t'a accordé que (e) commettre l'injustice est plus laid que la subir. En effet, à cause de cette concession, il s'est laissé prendre dans tes discours et s'est laissé museler par toi, la honte le retenant de dire ce qu'il pensait. Car toi, en fait, Socrate, sous couvert de poursuivre la vérité, tu nous ramènes à ce genre d'insupportables ficelles de démagogues : "Selon la nature, ce n'est pas beau, mais ça l'est selon la loi". Or le plus souvent, ces deux choses, la nature et la loi, se contredisent. Dès lors, si on cède à la honte et qu'on n'ose pas dire ce qu'on pense, (483a) on est amené nécessairement à se contredire. Point faible que tu as, toi aussi, observé et qui te permet habilement de pervertir la discussion : si on te parle en se plaçant du point de vue de la loi, tu interroges subrepticement en te plaçant du point de vue de la nature, et si on te parle de ce qui est conforme à la nature, tu interroges sur ce qui est conforme à la loi. Par exemple tout à l'heure à propos de cette injustice commise ou subie, Polos disait ce qui était plus laid selon la loi ; toi, tu traquais la loi en te plaçant du point de vue de la nature. Selon la nature, en effet, est plus laid, chaque fois, ce qui est aussi plus désavantageux : subir l'injustice ; (b) mais selon la loi, ce qui est plus laid c'est de la commettre. Subir l'injustice, voilà un malheur qui n'est même pas le fait d'un homme, mais le fait d'un esclave pour qui mourir vaut mieux que vivre, et qui, alors qu'il subit les injustices et les outrages, n'est pas capable de venir au secours de lui-même ni de personne d'autre qui lui serait cher. Mais ce sont les faibles gens et le grand nombre qui, à mon avis, établissent les lois. Or c'est en vue d'eux-mêmes et de leur propre intérêt qu'ils établissent les lois (c) et qu'ils distribuent les louanges et les blâmes. Ils effraient ceux qui sont les plus forts et ceux qui sont capables d'avoir l'avantage, et, pour qu'ils