Candide chapitre 3
Des victimes innocentes
Après cette ironie cinglante sur la guerre des petits soldats de plomb qui s'achève en "tas de morts et de mourants " (l.18), Voltaire, par l'intermédiaire de Candide, qui "s'enfuit au plus vite", passe aux abords d'un champ de bataille, dans les villages, également ravagés par le conflit. Là, il n'y a plus de parade ni de fanfare : c'est l'horreur du massacre des civils, de ceux qui n'ont rien à voir avec la guerre ; le concert militaire est remplacé par la cacophonie stridente des cris de peur et d'agonie mêlées aux "derniers soupirs". Les militaires s'affrontant dans leurs beaux uniformes dans un combat égal, se livrent au meurtre sur les êtres les plus faibles de la société : "vieillards" (l. 22), mères et leurs nourrissons, jeunes filles, auxquelles le viol n'est pas épargné (périphrase atroce des "besoins naturels de quelques héros" (l.25) ).
Un chaos tragique
Le réalisme de cette scène, préfigure Guernica de Picasso ; comme le peintre, Voltaire traduit sa colère et son épouvante par une femme hurlante tenant son enfant mort. La description des cadavres jonchant le sol est particulièrement terrible : les corps sont disloqués, mutilés ou réduits à des morceaux tronqués "criblés de coup" (parodie de l'habituelle expression "cribler de balles" afin d'insister sur la violence inouïe des coups portés), "égorgées", "mamelles sanglantes", "éventrées", "à demi brûlées", "coupés" (l. 22 à 27). Dans ce passage, l'auteur fait appel au pathétique pour nous faire comprendre que l'être humain réduit au cadavre n'a plus d'âge, de sexe, ni de corps : "des cervelles étaient répandues sur la terre à côté de bras et de jambes coupés" (l. 28-29). Il s'agit d'une boucherie qui n'a plus rien d'héroïque.
L'inutilité de la guerre
Volontairement, Voltaire ne donne aucune explication, ni ne prend parti : on sait seulement, à la fin du chapitre 2, que "le roi des Bulgares livra bataille au roi des Abares". Il évoque "les deux armées"