Candide ou l'optimisme
MADAME MAC’MICHE
Pourquoi du sucre ? Qu’est-ce que cette nouvelle invention ? Vous devriez vous trouver heureux d’avoir du lait au lieu de pain sec.
CHARLES
Ma cousine, je serais bien plus heureux d’y ajouter le morceau de sucre que je tiens dans la main.
MADAME MAC’MICHE
Dans la main ? Lâchez-le, monsieur ! Lâchez vite ! »
Charles lâcha, mais dans sa tasse.
« Voleur ! brigand ! s’écria la cousine. Vous mériteriez que je boive votre lait. »
CHARLES
Comment donc ! Mais j’en serais enchanté, ma cousine ; voici ma tasse.
Charles, sans perdre de temps, saisit la tasse de café au lait qui chauffait tout doucement devant le feu pour sa cousine, mangea le pain mollet qui trempait dedans, se dépêcha d’avaler le café et finissait sa dernière gorgée, quand sa cousine, un peu honteuse, se retourna.
MADAME MAC’MICHE
Mon café ! mon pain mollet ! Misérable !
La cousine saisit Charles par le bras, l’entraîna près du bûcher, prit une baguette, jeta Charles par terre comme la veille, et se mit à le battre sans qu’il fit un mouvement pour se défendre. De même que la veille, elle ne s’arrêta que lorsque son rhumatisme à l’épaule commença à se faire sentir. Charles se releva d’un air riant ; les visières1 l’avaient parfaitement préservé ; il n’avait rien senti. Il cru pouvoir s’en aller, mais non sans avoir lancé une phrase vengeresse.
« Je vais aller me faire panser2 chez M. le juge de paix, ma cousine. »
MADAME MAC’MICHE
Imbécile ! Je te défends d’y aller !
CHARLES
Pardon, ma cousine, M. le juge de paix me l’a recommandé : et vous savez