Chien de fusil- Alexie Morin
« Je suis l'homme de la nature avant d'être celui de la société.»
Marquis de Sade
La Nouvelle Justine « Suivre le cours de la rivière.
Sortir de la ville et se réjouir...»
Alexie Morin
Chien de fusil
Une couleur qui oblige le regard. Un titre irréductible. Une calligraphie franche. Une couverture qui hurle. Chien de fusil. À l'aube de la trentaine, appuyée par la maison d'édition Le Quartanier, Alexie Morin publie son premier recueil de poésie. La première page retournée et le lecteur reçoit une bouffée d'air cinglante au visage. Sans détour, l'auteur nous accueille avec une citation révélatrice : « si j'allais [...] dans les bois, [...] je vivrais de baies et de vachottes, alors que eux, ici, leur pain, ils ne le quitteront pas et, donc, ils sont liés au diable. »1 Le fossé creusé entre le « je » et le « eux » évoque déjà une dissociation criante. Aussitôt dit, aussitôt fait. La page suivante et immédiatement nous y sommes. La forêt se déploie et la section « Bois sauvé » s'ébranche puis révèle une ambiance énigmatique. Trois pages plus tard, il est désormais manifeste que l'auteur éprouve une profonde séparation avec une unité encore mal définie : « par les éclaircies nous pouvons voir jusqu'en bas, chercher l'ennemi et nous fondre dans la forêt, [...] tirer dessus avec nos carabines [...] et fuir par la rivière. »2 Serait-ce la société, la ville ou encore un groupe en particulier ? Le mystère plane, mais la fuite semble nécessaire, vitale.
Presque l'entièreté du recueil dévoile une odeur de terre sauvage, la nature plaque ses ramifications sur chaque page. C'est par le biais de deux cœurs disloqués, deux êtres brisés qu'un retour à la nature s'amorce. En effet, tantôt la narration se fait par une voix féminine, tantôt Vincent prend la parole. Le « nous » incarne l'unification : « je n'aurais qu'à disparaître pour que tu disparaisses.»3 La nature de la relation reste pourtant