Chénier, elégie 38
Introduction
On définit la poésie lyrique comme l’expression singulière et exaltée des sentiments. Par son art, le poète s’en fait l’interprète universel, car les thèmes développés concernent tout homme. L’élégie en est une forme particulière, inspirée par l’amour et la mélancolie.
Ainsi, André Chénier, poète du XVIIIe siècle, dont l’œuvre ne sera connu qu’après sa mort et reconnu alors par les Romantiques comme un précurseur de génie, nous en offre un exemple dans l’élégie 38. Ce poème de 102 alexandrins en rimes plates débute ainsi : « Je suis né pour l’amour… » ; il évoque la souffrance amoureuse due à la rupture, et la trahison de sa maîtresse adultère. Dans les vers 39 à 80, il réécrit cette histoire d’amour en analysant comment la séduction avait opéré. Nous nous intéresserons donc à la représentation de la femme qui est ici proposée.
Dans un premier temps, nous verrons comment cette femme que le poète a aimée et louée a été idéalisée ; nous analyserons ensuite comment cette femme a mené le poète au bord de la folie ; enfin, nous étudierons l’importance de l’écriture poétique comme exutoire.
I - Une femme idéalisée 1) une beauté sublimée son charme (v.1 « il suffit qu’on vous voie » et v.31 « mes yeux séduits ») est intensifié par le poète : cf. champ lexical du corps // champ lexical des fleurs (ex. : vers 19-20) ; les Nymphes en sont jalouses (v.18)
2) en vérité, une femme artificielle une séductrice (« art » v.3, v.23) – prédatrice (métaphore v.2) ; l’allitération en [f/v] des 2 premiers vers souligne la perfidie de cette femme ; portrait objectif v.34, 38 : « flots de vapeur », « fard et grimace »
3) et pourtant, une femme adulée louée à l’excès comme le montrent les vers 12 (« vers adulateur »), 33 (« si pompeux hommage »), 40 (« charme si puissant »)
transition : décalage entre cette maîtresse idéalisée et la femme réelle (v.9 « aveuglement »)