Cinema et littrature
Pour éclairer la question : propos d’un théoricien qui est aussi un scénariste et un cinéaste
L’impossible adaptation.
Si certains romans s’adaptent bien au cinéma ou au théâtre, c’est pour la raison qu’ils contiennent au moins un récit simple et unitaire, se présentant sous la forme d’actions conflictuelles, et non de pensées ou d’impressions. Ce qui est loin d’être le cas de tous les romans. Et quand bien même, cela peut conduire à des réductions épouvantables. Moby Dick, le long roman poético-métaphysique d’Hermann Melville, truffé de monologues intérieurs et de digressions abstraites, est ainsi devenu un film d’aventures. Quoi qu’il en soit, il est une chose qui ne passe pas l’écran, c’est la spécificité littéraire, tout ce qui est lié à la poésie de la langue écrite et à son mode de réception. Cela ne comprend pas que la beauté du style. Il existe des façons de présenter les choses en littérature qui sont inadaptables dans un autre médium. Billy Wilder en fournit un bel exemple : « Il y a chez Chandler une phrase sur un vieillard très riche… Il est assis là, entouré d’orchidées et de plantes carnivores, des poils lui poussent dans les oreilles, des poils « assez longs pour qu’une mite s’y prenne ». C’est une idée merveilleuse, mais elle n’est malheureusement pas transposable au cinéma. » Voilà pourquoi l’adaptation cinématographique d’un roman ne pourra jamais avoir la même saveur que son original. Or, paradoxalement, c’est souvent pour reproduire cette saveur que les cinéastes entreprennent des adaptations. On peut d’ailleurs se demander l’intérêt qu’il y a à transposer au cinéma ou au théâtre une œuvre qui a fait ses preuves sous une autre forme. Hitchcock affirme à Truffaut que c’est ridicule – il prend l’exemple de Dostoïevski. Kundera est du même avis quand il écrit L’Immortalité de telle