Civils et militaires dans une guerre totale (1e GM)
« La guerre en somme, c’était tout ce qu’on ne comprenait pas. Cela ne pouvait continuer. » Cette citation, de Louis Ferdinand Céline, tirée de Voyage au Bout de la Nuit, en plus d’être un violent réquisitoire contre l’absurdité de ce que l’auteur appelait un « abattoir international en folie », est témoin du sentiment de décalage entre les Etats-majors et les hommes vivant au premier plan la guerre, qu’ils soient civils ou militaires. Les premiers récits de guerre comme ceux de Barbusse ou Dorgelès, ou les poèmes de Wilfried Owen sont témoins des conditions de vie de gens « lambdas ». L’introduction personnelle de La Grande Guerre des Français de Jean-Baptiste Duroselle nous rappelle à quel point l’historiographie ne s’est intéressé que très tardivement à la Grande Guerre dans une perspective micro-historique. En effet, l’historiographie a d’abord privilégié une histoire par le haut, avec des récits de stratégies militaires comme La Bataille de la Marne de Gabriel Hanotaux, ou une histoire plus politique s’interrogeant sur la responsabilité de la Guerre (on pense à Karl Kautsky, ou à la fameuse controverse Fritz Fischer). Il faudra attendre les médias comme la radio ou la télévision pour s’intéresser à la première guerre mondiale par le bas, et certains courants comme celui de la micro-histoire, importée d’Italie. Cette perspective permet pourtant de prendre conscience, et ce de manière significative, du caractère de cette première guerre mondiale qui semble belle et bien être une guerre totale. Cette notion de guerre totale qualifie par ailleurs un conflit armé qui mobilise toutes les ressources disponibles de l'État, tant la population que l'économie, la politique ou encore la justice. Elle ne concerne plus uniquement des objectifs militaires (Ziel) mais, souvent source d'union sacrée entre tous les partis politiques, elle cherche à atteindre des buts de guerre (Zweck) en impliquant l'ensemble de la société