clair de lune maupassant
Quand il se promenait à grands pas dans l'allée de son petit presbytère de campagne, quelquefois une interrogation se dressait dans son esprit :
«Pourquoi Dieu a-t-il fait cela ? » Et il cherchait obstinément, prenant en sa pensée la place de Dieu, et il trouvait presque toujours. Ce n'est pas lui qui eût murmuré dans un élan de pieuse humilité :
«Seigneur, vos desseins sont impénétrables ! » ICI se disait : «Je suis le serviteur de Dieu, je dois connaître ses raisons d'agir, et les deviner si je ne les connais pas.»
Tout lui paraissait créé dans la nature avec une logique absolue et admirable. Les «Pourquoi» et les «Parce que» se balançaient toujours.
Les aurores étaient faites pour rendre joyeux les réveils, les jours pour mûrir les moissons, les pluies pour les arroser, les soirs pour préparer au sommeil et les nuits sombres pour dormir.
Les quatre saisons correspondaient parfaitement à tous les besoins de l'agriculture ; et jamais le soupçon n'aurait pu venir au prêtre que la nature n'a point d'intentions et que tout ce qui vit s'est plié, au contraire, aux dures nécessités des époques, des climats et de la matière. Mais il haïssait la femme, il la haïssait inconsciemment, et la méprisait par instinct. Il répétait souvent la parole du Christ : «Femme, qu'y a-t-il de commun entre vous et moi ? » et il ajoutait : «On disait que Dieu lui-même se sentait mécontent de cette oeuvre-là.» La femme était bien pour lui l'enfant douze fois impure dont parle le poète. Elle était le tentateur qui avait entraîné le premier homme et qui continuait toujours son oeuvre de damnation, l'être faible, dangereux, mystérieusement troublant. Et plus encore que leur corps de perdition,