Coeur de lion
Aussi était-il devenu le héros de sa communauté. Quand on lui avait donné son surnom, il en avait été très fier, et il se promenait, la tête haute, la moustache arrogante, en répétant sans arrêt et très fort pour qu’on l’entende:
— Je m’appelle Coeur de Lion et je n’ai peur de rien ni de personne!
Un jour qu’il passait près d’une mare, il entendit un appel au secours. C’était une grenouille qui s’était coincé la patte dans une racine. La pauvre tirait vainement sur sa patte, rien à faire. Peu à peu, elle perdait ses forces et allait s’évanouir. Or, tapie sous une roche, la redoutable couleuvre d’eau n’attendait que ce moment pour se précipiter sur le batracien et l’avaler tout cru.
Coeur de Lion ne fit ni une ni deux.
Lui qui détestait l’eau, il n’hésita pas à se mouiller ; il trancha la racine et délivra la malheureuse. Il était temps, la couleuvre, déjà, déroulait ses anneaux.
Une autre fois, ce fut une fourmi qu’il tira d’embarras. L’inconsciente s’était fourvoyée dans la toile sucrée de l’épouvantable épeire. Il arriva juste à temps pour retirer la fourmi des pattes de la tisseuse.
Coeur de lion, enhardi par ces succès, décida de quitter son pays.
— Il faut, dit-il, que le monde entier admire mon courage, applaudisse à mes exploits
On essaya de le retenir. Rien n’y fit. Ni les pleurs de sa mère, ni les mises en garde de son père. Il partit un beau matin, droit devant lui et sans se retourner.
Il n’alla pas loin.
Au premier détour de la haie, il rencontra une patte. Une grosse patte de chat. C’était
Finaud, le matou des fermiers, un matou matois qui guettait depuis quelque temps la sortie du nid des mulots.
Coeur de Lion finit son voyage dans l’estomac d’un chat.