Coloniser la Méditerranée
DE 1830 AUX ANNEES 1930
« Autour de nous, des lumières se sont éteintes ». C'est par ces mots qu'Alexis de
Tocqueville décrit la situation en Algérois après la conquête de 1830 et la stabilisation du pays
sous occupation française. Tocqueville dénonce l'appauvrissement généralisé des sociétés, la
destruction des structures traditionnelles et des us et coutumes locaux ainsi que les modalités de la présence française, autant d'éléments qui rappellent que l'action colonisatrice, par ses enjeux, est avant tout un processus qui s'inscrit dans la durée. Ainsi, tout au long du XIXe siècle, le progressif
recul de l'Empire Ottoman et l'émancipation fragile de ses provinces attisent les appétits coloniaux des puissances européennes. Moyens matériels aidant, les pourtours méditerranéens, essentiellement du Levant au Maghreb, s'ouvrent à la domination européenne. Coloniser, c'est en effet avant tout dominer, imposer une tutelle à la fois humaine et politique sur un territoire précis.
C'est l'affirmation d'une puissance sur un peuple, c'est-à-dire la confrontation entre un dominant et un dominé pouvant prendre diverses formes, de la collaboration au sein des élites, à l'opposition pure et simple. Il s'agit donc tout autant d'une action précise que d'un enjeu à part entière dans la mesure où la colonisation suppose la mise en contact, voire le choc, de sociétés différentes. C'est
donc tout un faisceau d'échanges, d'oppositions et de conflits qui s'élabore, processus ayant des répercussions sur les structures sociales et mentales des populations dominées, comme le signale
Tocqueville en Algérie. De la prise d'Alger en 1830 jusqu'à la colonisation mussolinienne de la
Libye en 1935, et les premiers sursauts nationalistes et ébranlements coloniaux dans les années
30, la mainmise territoriale s'inscrit dans une confrontation d'une autre dimension entre des
univers mentaux différents. Et si coloniser la Méditerranée