commantaire
Adrien Deume est fonctionnaire ; il vient d’être promu à un échelon supérieur dans sa carrière (la section A). La scène se passe vers 1930.
Adrien Deume soupira d’aise, fierd’avoir rangé d’emblée sa voiture entre les deux Cadillac. Il retira la clé du contact, s’assura que les vitres étaient bien relevées, sortit, ferma la porte à clé, tira à plusieurs reprises la poignéepour plus de certitude, considéra sa voiture avec tendresse. Epatante, sa Chrysler, des reprises foudroyantes. Douce mais nerveuse, voilà. Sa grosse canne sous le bras, portant gravement sa malette defonctionnaire distingué, il s’en fut d’un pas guilleret. Mardi vingt-neuf mai, aujourd’hui. Dans trois jours, le premier juin, membre A à vingt - deux mille cinq cent cinquante balles - or comme début,avec augmentations annuelles jusqu’au plafond de vingt – six mille ! Pas à dédaigner, hein ?
Arrivé dans le grand hall, il se dirigea d’un air indifférent vers le tableau des mouvements dupersonnel, s’assura que personne ne l’observait, et, comme tous les jours précédents, se reput des mots merveilleux qui proclamaient sa promotion. Ebloui et transpercé, mystique devant une présence sacrée, ilresta plusieurs minutes à les contempler, à les comprendre à fond, à s’en pénétrer, les fixant jusqu’au vertige. Oui, c’était lui, c’était bien lui, ce Deume - là, ce membre de section A, avec effetdès le premier juin. Dans trois jours, membre A ! Est - ce possible ? Eh oui, la promesse était là, devant lui, auguste, officielle !
- Trésor, dit-il à son visage dans la glace de l’ascenseur qui leconduisait à ses travaux.
Belle du Seigneur, Albert Cohen (1937).
Exercice : voici un axe de commentairelittéraire correspondant à