Commentaire argumentation
Temps de travail conseillé: 3h00
OBJET D’ETUDE : l’argumentation (convaincre, persuader, délibérer)
Niveau : 2nde
Albert CAMUS, L'Étranger (1942).
Sur une plage écrasée de soleil, Meursault a tué un homme ; acte nullement prémédité, conséquence d'une succession de hasards. Le personnage de ce roman va se trouver pris dans l'engrenage judiciaire.
Et j'ai essayé d'écouter encore parce que le procureur1 s'est mis à parler de mon âme.
Il disait qu'il s'était penché sur elle et qu'il n'avait rien trouvé, messieurs les jurés2. Il disait qu'à la vérité, je n'en avais point, d'âme, et que rien d'humain, et pas un des principes moraux qui gardent le cœur des hommes ne m'était accessible. « Sans doute, ajoutait-il, nous ne saurions le lui reprocher. Ce qu'il ne saurait acquérir, nous ne pouvons nous plaindre qu'il en manque. Mais quand il s'agit de cette cour, la vertu toute négative de la tolérance doit se muer en celle, moins facile, mais plus élevée, de la justice. Surtout lorsque le vide du cœur tel qu'on le découvre chez cet homme devient un gouffre où la société peut succomber. » C'est alors qu'il a parlé de mon attitude envers Maman3. Il a répété ce qu'il avait dit pendant les débats. Mais il a été beaucoup plus long que lorsqu'il parlait de mon crime, si long même que, finalement, je n'ai plu senti que la chaleur de cette matinée. Jusqu'au moment, du moins, où l'avocat général4 s'est arrêté et, après un moment de silence, a repris d'une voix très basse et très pénétrée :« Cette même cour, messieurs, va juger demain le plus abominable des forfaits : le meurtre d'un père. » Selon lui, l'imagination reculait devant cet atroce attentat. Il osait espérer que la justice des hommes punirait sans faiblesse. Mais il ne craignait pas de le dire, l'horreur que lui inspirait ce crime le cédait presque à celle qu'il ressentait devant mon insensibilité. Toujours selon lui, un homme qui tuait moralement sa mère se