Commentaire bergson sur l'art
Quelle est la finalité de l'art ? A cette question, le sens commun aurait tendance à répondre que l’œuvre d'art exprime la psychologie individuelle de son auteur, avec tout ce qu'elle contient d'individuel, d'arbitraire et de relativisme. Bergson, dans cet extrait de La pensée et le mouvant, prend prétexte de cette question pour s'interroger sur l'essence de l'art : l'affaire de l'artiste, ce n'est pas lui-même, mais le réel, saisi par une liberté. Ainsi, à la question, « à quoi vise l'art ? », Bergson répond : « à nous montrer, dans la nature et dans l’esprit, hors de nous et en nous, des choses qui ne frappaient pas explicitement nos sens et notre conscience ». Si l'artiste montre, c'est qu'il révèle, qu'il dévoile ce qui est toujours présent, mais qu'ordinairement nous ne pouvons ni ne savons voir. L'artiste n'est donc pas celui qui perçoit une autre réalité, ou qui en invente une, mais « un homme qui voit mieux que les autres », dont la faculté de percevoir est plus étendue que celle des autres. Cette thèse pousse Bergson à s'interroger sur ce qui permet à l'art d'agir comme un révélateur. La réponse proposée a de quoi surprendre : c'est parce que l'artiste, « moins attaché à la réalité », en a une vision plus claire. Comment comprendre un tel paradoxe ?
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* * L'art, apprend-on, « montre », donne à voir, c'est-à-dire à la fois à percevoir et à comprendre. La page, la toile, le bloc de pierre, travaillés par l'artiste, font surgir un fond, un contenu par le biais voire dans une forme, qu'elle soit picturale ou romanesque, poétique ou sculpturale. Mais quid de ce contenu ? Est-il l'expression d'une invention personnelle, comme nous pourrions le croire ? Bergson, d'emblée, nous dissuade d'emprunter la route tracée par l'opinion commune, en affirmant que ce que révèle l'art est universel. Il nous révèle ce qui est, « dans la nature », ou « hors de nous », c'est-à-dire dans le monde extérieur,