Commentaire de l'incipit de jacques le fataliste : de diderot
L'incipit de ce roman semble décalé par rapport a la norme littéraire. En effet Diderot annule les règles dans l'incipit tel que la fonction informative. Il comporte en général toutes les indications que le lecteur attend («comment s’appelaient-ils ? » « Comment s’étaient-ils rencontrés ? »), et que le narrateur ici lui refuse (nom, personnages, portraits, lieux, temps…). Diderot instaure une relation d'autorité mais aussi de complicité avec lui : « Que vous importe ? ». Le maître n’aura jamais de nom, le serviteur n’aura que un prénom. Il répond aux questions par des questions.L’objectif serait ainsi pour le narrateur non pas Comment écrire un roman,mais Comment ne pas en écrire... Il affirme sa toute-puissance car il prévoit les réactions de son narrataire ; il peut ne pas vouloir conter l’histoire, la différer, faire attendre : " Vous voyez, lecteur, que je suis en beau chemin, et qu’il ne tiendrait qu’à moi de vous faire attendre un an,... ". Il peut aussi bâtir ce que U. Eco nomme des " fables ouvertes " (Lector in fabula). Une fable ouverte est une histoire qui a plusieurs fins possibles, qui bifurque à un moment donné de son récit. Ainsi, il peut s’amuser à un jeu de couplage d’intrigues inédit - " marier le maître et le faire cocu ", " embarquer Jacques pour les îles " -, ou bien à joindre deux intrigues d’abord séparées " d’y conduire son maître ? de les ramener tous les deux en France sur le même vaisseau ". Mais c’est par là que le narrateur affirme sa propre liberté. La création est ce qui corrige le déterminisme naturel.Quant au narrataire, on le devine à travers la figure que construit le narrateur : exigeant, impatient, curieux. C’est le sens de ses questions imaginées par le narrateur dans le cadre de la prosopopée.Le narrataire aime les histoires liées, qui se tiennent. Il n’apprécie pas les délais.
Sommes-nous dans un récit romanesque ou plutôt dans un " conte ", comme l’indiquent le mot inscrit dans le texte, les