Commentaire jeu de l'amour et du hasard, de marivaux.
La nouveauté du Jeu ne tient évidemment pas au parallélisme entre maîtres et valets: la première et seconde Surprise ne manquaient pas de faire jouer cet inépuisable ressort dramaturgique et comique. Mais Marivaux, en le combinant avec une inversion des rôles, qu'il avait expérimentée dans l'Île des esclaves (1725) et la Fausse Suivante (1724), construit un mécanisme beaucoup plus complexe. Alors que chacun des maîtres découvre avec quelque désarroi les désagréments de la disconvenance, les contradictions du cœur et de la raison (sociale), les valets s'enchantent à rêver d'élévation sociale foudroyante, à prendre le jeu au pied de la lettre (la lettre des contes de fées). Aucune pièce de Marivaux, jusqu'ici, n'avait monté un système de tromperie et de faux-semblant aussi parfait, c'est-à-dire incluant aussi symétriquement et aussi complètement tous les protagonistes dans la chorégraphie du travestissement. Mais la formalisation des figures dramaturgiques (parallélisme des déguisements, échange des rôles, inversion des évolutions) appelle, chez un artiste aussi raffiné, de subtils décalages. La symétrie inversée des couples s'infléchit, par exemple, au moment décisif de l'aveu: réciproque et joyeux chez les valets, à valeur purement comique et résolutoire, il devient, chez les maîtres, défi sentimental de la jeune fille à son prétendant et tremplin d'une relance dramatique aussi inattendue que capitale.