Commentaire sur oeidipe roi
La tragédie naît dans l’histoire de la Grèce antique en même temps que la démocratie, à un moment où le héros du mythe ou de l’épopée devient incompréhensible et incommensurable à l’habitant de la polis : le héros est désormais un problème, parce qu’il est un être excessif, il est celui qui excède sa part (moira) et qui met en danger la cité par sa démesure.
1) Ubris
La démesure d’Œdipe, l’ubris qui en fait un personnage tragique, est mise en valeur dès les premiers mots de la tirade qui ouvre cet extrait : il est celui qui excelle en tout, qui peut revendiquer la maîtrise dans le triple domaine de la richesse, du pouvoir et dusavoir (380). Le problème de la démesure ne réside pas, de façon immédiate, dans la condition supérieure d’Œdipe prise en elle même : le spectateur la connaît, aussi bien que Tirésias présent sur scène, ou que le Chœur et le Coryphée. La démesure réside dans l’affirmation et la revendication de cette excellence (encore une fois, connue de tous), et dont Œdipe souhaiterait qu’elle soit à l’abri des discussions, en position absolue : il n’a pas sollicité le pouvoir (384), mais il est seulement tyrannosdélégué, et non basileus légitime.
Il présente son savoir (la ruse qui lui a permis de triompher de la sphynge) comme supérieur à la science "officielle" – la technique divinatoire de Tirésias – (380). Et cette revendication le conduit à deux excès : la condamnation de l’ami fidèle, Créon (384), qu’il soupçonne maintenant de comploter contre lui, et la récusation du sage Tirésias qu’il a lui-même convoqué pour faire la lumière et dans lequel il ne veut plus voir qu’un aveugle (389).
2) pharmakos
Cette démesure que l’on pourrait dire du premier degré, est cependant sans rapport avec l’ubris qui est au fondement même du personnage que Tirésias révèle dans cet épisode, et qui fait de lui un pharmakos. J.- P. Vernant a montré que l’histoire d’Œdipe se constituait en destin en fonction de deux déterminations