Commentaire d'arrêt
Que veut-on dire par « démocratie » ? L’essence, la démocratie et la justice constitutionnelle
Mon Dieu, madame la duchesse, la démocratie est le nom que nous donnons au peuple toutes les fois que nous avons besoin de lui… Durand [Vice-président du Sénat, futur président de la République], dans L’Habit vert de Robert de Flers et Gaston Arman de Caillavet (1912), Acte I, scène XII
D
ans un article récent de La Vie des idées 1, Dominique Rousseau revient sur un thème qu’il a déjà eu l’occasion d’exposer à diverses reprises 2. Selon lui, l’apparition et l’affirmation d’un juge de la constitutionnalité des lois ont induit une véritable mutation de la démocratie. Le système antérieur à cette évolution, qualifié de « démocratie électorale », cèderait la place à une configuration nouvelle, qu’il nomme « démocratie constitutionnelle ». Le premier mérite de cette analyse est que, prenant acte d’un changement réel sous la continuité apparente des mots, elle ne nie pas l’existence d’un problème. L’auteur met en lumière des mouvements profonds, que la myopie quotidienne d’une certaine doctrine se contente, prudemment parfois, de ne pas voir. Ce faisant Dominique Rousseau s’inscrit dans une tradition vénérable, celle d’Esmein ou plus récemment de Georges Burdeau, qui s’efforçaient de saisir, à l’aide d’instruments juridiques et conceptuels irréductibles à la pure sociologie politique – comme par exemple les distinctions entre gouvernement représentatif et gouvernement semireprésentatif ou entre démocratie gouvernée et démocratie gouvernante - les transformations des systèmes politico-juridiques. Le second mérite de l’analyse est sa clarté. L’auteur pose ses thèses sans recourir au flou éclectique et consensuel qui baigne tant d’écrits contemporains. Elles peuvent donc être discutées et fournir une matière à cet exercice si regretté – puisqu’on ne l’évoque jamais que pour déplorer son absence – un « débat d’idées ». Le manque d’idées constitue certes la