Commentaire
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La rêverie du personnage suit une progression notable, que soulignent la syntaxe, l'organisation du texte et le vocabulaire. Sur le plan syntaxique, on est d'abord frappé par la masse des interrogations. Particulièrement denses dans le dernier paragraphe, comme si la curiosité du personnage devenait insoutenable, ces questions demeurent sans vraie réponse. La seule réponse est aussi l'une des rares interventions du narrateur et elle reste liée à une interprétation subjective : "voici la notion qu'il en a". Nous comprenons ainsi que nous nous situons à l'intérieur d'un discours indirect libre qui permet d'en rester au point de vue du personnage, de ne pas excéder son niveau de connaissances et donc de permettre au texte de communiquer toutes les attentes ou toutes les énigmes. Le passage du "il" au "je" à la fin du texte ("ceux qui passent chez moi") confirme bien la nature de ce discours, mais déjà dans le début du texte certaines formes typiques du débat intérieur le laissaient apercevoir : ainsi les énumérations du premier paragraphe soulignées par l'acharnement du "tous, tous, tous", mais aussi les questions de plus en plus pressantes du dernier, où Suter recule de plus en plus sa rêverie