« commander à la nature en obéissant à ses lois ». Connaître la vérité de la nature, c'est-à-dire les lois qui régissent les enchaînements des phénomènes naturels, c'est en effet pouvoir les mettre à son profit : ainsi, comme le remarquait Descartes, une horloge fonctionne grâce à l'attraction terrestre qui attire ses poids vers le sol. De même, connaître les lois qui régissent la matière, c'est pouvoir les mettre à son service, par exemple en utilisant l'énergie atomique par sa transformation en force motrice. Ici s'accomplit le projet cartésien, celui de devenir « comme maîtres et possesseurs de la nature » : la connaissance des lois naturelles nous permet non de nous y soustraire, mais de les utiliser. On peut certes s'inquiéter de ce pouvoir grandissant que nous avons sur la nature, et qui est en passe d'en détruire l'équilibre (après tout, c'est l'activité humaine qui est en train de modifier le climat à l'échelle planétaire) : un pouvoir laissé à lui-même, sans être borné par rien, finit toujours par devenir une menace. Mais on peut aussi comprendre que par la connaissance, l'homme s'est définitivement éloigné de l'animalité : contrairement à l'animal, l'homme s'est libéré de la nature, il l'a « cultivée et humanisée », comme le disait Marx, et l'a mise à son service. Cette volonté absolue de refuser le donné, ce désir de transformer le milieu au lieu de s'adapter à lui, voilà aussi ce qui fait la dignité humaine : le pouvoir que confère la connaissance, ce n'est pas alors simplement un pouvoir sur quelque chose ; c'est grâce à la connaissance et par notre connaissance de la liberté que nous pouvons être des hommes, en d'autres termes des êtres qui aménagent le monde au lieu de le subir.

Conclusion
Sous quelque rapport que l'on se place, la connaissance de la vérité nous est apparue à chaque fois comme donatrice de pouvoir : pouvoir sur les autres, pouvoir sur soi-même, pouvoir sur le monde. Seulement, ce pouvoir lui-même ne s'est pas avéré univoque :