Condorcet oeuvre
Présentation: L’amitié intellectuelle entre Sieyès et Condorcet
Par Jacques Guilhaumou, UMR «Triangle », ENS-LSH Lyon
Léon Cahen constate, non sans un certain regret, que les événements de la Révolution française rapprochent singulièrement Condorcet et Sieyès. Cette proximité entre deux hommes, qu'il perçoit très différents, le surprend. En effet, il n'a guère d'estime pour Sieyès: « Par la variété de ses connaissances, la force de son génie, Condorcet l'emportait de beaucoup sur Sieyès. Le premier étant vraiment philosophe, le second était surtout rhéteur » (1). Ainsi, refusant à Sieyès le statut de philosophe, Léon Cahen concède cependant à cette amitié un fondement politique et intellectuel: la recherche d'une politique modérée et le goût de la spéculation métaphysique.
Le jugement des Badinter, dans leur biographie sur Condorcet, est plus équilibré. Constatant également que les liens entre Condorcet et Sieyès se resserrent significativement dès 1790, avec la création de la Société de 1789, ils précisent: « Le seul parti de Condorcet est celui des idées. Il est à cet égard proche de Sieyès, avec lequel il paraît lié sinon par une chaleureuse amitié, du moins par la qualité de leurs échanges intellectuels » (2). Nous pouvons donc parler d'une véritable amitié intellectuelle entre ces deux "génies philosophiques" Mais de fait quel est leur degré d'affinité intellectuelle ? S'agit-il alors de considérer que leur