confession d'une femme
J’ai été beaucoup aimée, vous le savez ; j’ai souvent aimé moi-même. J’étais fort belle ; je puis le dire aujourd’hui qu’il n’en reste rien. L’amourétait pour moi la vie de l’âme, comme l’air est la vie du corps. J’eusse préféré mourir plutôt que d’exister sans tendresse, sans une pensée toujours attachée à moi. Les femmes souvent prétendent n’aimerqu’une fois de toute la puissance du cœur ; il m’est souvent arrivé de chérir si violemment que je croyais impossible la fin de mes transports. Ils s’éteignaient pourtant toujours d’une façonnaturelle, comme un feu où le bois manque.
Je vous dirai aujourd’hui la première de mes aventures, dont je fus bien innocente, mais qui détermina les autres.
L’horrible vengeance de cet affreux pharmaciendu Pecq m’a rappelé le drame épouvantable auquel j’assistai bien malgré moi.
J’étais mariée depuis un an, avec un homme riche, le comte Hervé de Ker…, un Breton de vieille race, que je n’aimais point,bien entendu. L’amour, le vrai a besoin, je le crois du moins, de liberté et d’obstacles en même temps. L’amour imposé, sanctionné par la loi, béni par le prêtre, est-ce de l’amour ? Un baiser légalne vaut jamais un baiser volé.
Mon mari était haut de taille, élégant et vraiment grand seigneur d’allures. Mais il manquait d’intelligence. Il parlait net, émettait des opinions qui coupaient commedes lames. On sentait son esprit plein de pensées toutes faites, mises en lui par ses père et mère qui les tenaient eux-mêmes de leurs ancêtres. Il n’hésitait jamais, donnait sur tout un avis immédiatet borné, sans embarras aucun et sans comprendre qu’il pût exister d’autres manières de voir. On sentait que cette tête-là était close, qu’il n’y circulait point d’idées, de ces idées